«La presse togolaise a besoin d'une psychothérapie», selon le Président de la HAAC

Publié le par ABOU Hibana

Le Président de la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication, M. philippe EvégnoL'inquiétude prend de l'ampleur dans le rang des organisations de presse au Togo, qui constatent, ces derniers jours, des dérapages et atteintes à l'honneur. Pour preuve, une dizaine de responsables de journaux privés sont assignés pour diffusion de fausses informations. Contacté par la rédaction de presidencetogo.tg, le Président de la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication, regrette l'état dans lequel se trouve la presse togolaise ces derniers moments. « En tant que garants de la liberté, défenseurs et protecteurs de la presse et des autres moyens de communication de masse, nous avons aujourd'hui de la gêne de voir les journalistes traîner en cascade devant les tribunaux », s'indigne Philippe Evégno dans cette entrevue exclusive.

presidencetogo.tg : M. le Président, d'abord comment appréciez-vous le travail du bureau que vous avez présidé pendant 5 ans à la HAAC ?

M. Philippe Evégno : merci pour l'opportunité que vous m'accordez de m'exprimer sur le travail abattu par les membres de la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication(HAAC) pendant les cinq années de son mandat. Disons tout de suite qu'en général, la HAAC a accompli une mission qui s'inscrit, au regard des textes législatifs et réglementaires, dans le cadre de la régulation de la communication. Pendant les cinq années de son mandat, la HAAC s'est, autant que faire se peut, attelée à donner un nouveau visage au paysage médiatique national à travers une régulation pédagogique du contenu de la communication. Elle s'est pour cela donnée pour objectif principal d'amener les acteurs de la profession à s'approprier les textes et lois qui régissent la profession en ayant une parfaite connaissance de ces dispositions.

Que ce soit le monitoring au quotidien des médias en périodes ordinaires, ou la gestion de la couverture médiatique des différentes campagnes électorales, la HAAC s'est évertuée à faire appliquer et respecter les lois ainsi que les divers actes édités au profit des acteurs de la presse afin de les amener à gérer ces différentes périodes de façon responsable et professionnelle. Au demeurant, nous pouvons dire en termes d'évaluation que la Haute Autorité a pu, avec les moyens du bord, mener au mieux la mission qui lui est dévolue.

presidencetogo.tg : quelles ont été les difficultés rencontrées dans l'exercice de votre fonction durant cette période ?

M. Philippe Evégno : la grande difficulté que l'institution de régulation a rencontrée dans le courant de son mandant a été et demeure sans nul doute symptomatique de l'ignorance de nos principaux partenaires du réel usage qui devrait être fait des dispositions législatives et réglementaires censées régir la profession de journaliste. De facto, cela coule de source que lorsqu'on invite ces derniers à connaître et respecter la loi, l'institution de régulation n'a jamais été assez comprise. Faire comprendre aux acteurs de la presse que l'exercice du métier est libre, mais que cette liberté renferme des balises, des taquets et des limites qui ont pour nom « la responsabilité », relève d'un véritable parcours du combattant. Toute la difficulté, tout le problème de l'assainissement du paysage médiatique national togolais se trouve là.

presidencetogo.tg : aujourd'hui, certains journalistes font la cible des politiques qui les assignent à la justice, comment expliquez-vous ces derniers dérapages au sein de la corporation, au moment même où vous vous apprêtez à renouveler votre instance ?

M. Philippe Evégno : ce nouveau et inexplicable phénomène trouve sa racine dans les difficultés de nos partenaires à se plier aux conseils et recommandations  de l'institution de régulation. En tant que garants de la liberté, défenseurs et protecteurs de la presse et des autres moyens de communication de masse, nous avons aujourd'hui de la gêne de voir les journalistes traîner en cascade devant les tribunaux, alors que le Code de la Presse et de la Communication, en son article 84, nous donne les moyens juridiques d'être saisis en cas de délit de presse, aux fins de règlement à l'amiable. Mais, ne nous voilons pas la face, ce qui se vit aujourd'hui n'est que le produit d'un amalgame, disons mieux, d'un cocktail mal ficelé qui commence à nous exploser au visage et c'est malheureux et forcément contre productif tant pour l'image de cette presse que pour celle du pays.

presidencetogo.tg : quelle alternative pour empêcher ces dérives et remettre les choses à l'ordre ?

M. Philippe Evégno : une alternative, certes, mais des solutions idoines sans laxisme ni excès, voilà qui tient la route si on veut se donner les moyens de remettre les choses à l'ordre. Je voudrais ici rappeler le nécessaire renforcement des moyens matériels et humains de l'Institution de régulation, ainsi que la révision des textes pouvant conférer à l'Institution toute sa substance et son poids constitutionnels, de même que son respect par ses partenaires.  

presidencetogo.tg : que souhaitez-vous à la nouvelle équipe qui sera mise en place dans les prochaines semaines, pour mieux réguler la presse et lui donner un nouveau souffle ?

M. Philippe Evégno : tout mon souhait, au regard des expériences acquises, est que l'institution dispose réellement des moyens de son action. Pendant cinq années, j'ai travaillé avec une équipe pétrie d'ambitions, soucieuse du sentiment national à travers le travail bien fait. Mais toutes ces volontés demeureront des vœux pieux, des mirages sans fin si les moyens d'action ne viennent pas matérialiser les ambitions.

La presse togolaise, surtout la presse privée, malgré ses vingt ans d'âge, a besoin d'une nouvelle thérapie ou mieux, d'une psychothérapie. L'heure de l'apprentissage a assez duré et nous devons commencer à accoucher les viatiques de la maturité, sans excès ni laxisme, mais quelque soit le prix à payer. C'est au prix de ces sacrifices, c'est au prix de ces efforts que l'Institution pourra parvenir, ensemble avec le concours du pouvoir public et autres décideurs, à insuffler une nouvelle dynamique au vaste chantier qu'est le paysage médiatique togolais.

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